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Conférence : Le Maitre , le disciple et l'enseignement spirituel dans le Coran |
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Le Maitre , le disciple et l'enseignement spirituel dans le Coran (Conférence donné à l'Institut ADAB par Mohammed Jamil CHERIFI Le 21-12-2008)
L’objet de ce second cercle
mensuel autour du commentaire métaphysique est l’enseignement initiatique et
ses fondements coraniques. Ces derniers constituent une preuve que l’islâm
n’est pas seulement une dimension exotérique comme beaucoup veulent le faire
croire. Bien entendu le rattachement à une organisation traditionnelle
régulière authentique(tarîqah), est non seulement une condition
nécessaire à l’initiation mais elle est une ouverture sur un monde autre que
celui ou s’exerce la modalité corporelle. Cette ouverture est considérée comme
une « seconde naissance » C’est aussi une « régénération »
parce qu’elle nous rétablit dans les prérogatives qui étaient naturelles et
normales de l’âge d’or de l’humanité « alors que celle-ci ne s’était pas
encore éloignée de la spiritualité originelle pour s’enfoncer de plus en plus
dans la matérialité. Cette « seconde naissance » doit nous conduire
tout d’abord, comme première étape essentielle de sa réalisation, à la
restauration en nous de la « fitrah » ou état primordial qui est la
plénitude et la perfection de l’individualité humaine » Cependant l’enseignement initiatique ne doit
être confondu avec la véritable connaissance initiatique qui ne peut-être
acquise que par un travail personnel. L’enseignement donné par les maîtres(chouyoukh)
n’est qu’une préparation en vue de l’acquisition de la véritable connaissance.
Le rôle du maître(cheikh) est d’indiquer la voie à suivre en vue de
parvenir à une compréhension effective et non simplement théorique. Il assiste
le disciple et le guide d’une façon constante sans plus. Mais pour que
l’aspirant puisse arriver à une réalisation il lui faut donc un cheminement.
Cheikh Abdelwahid(René Guénon)
précise la distinction entre réalisation effective et réalisation virtuelle, il
dit dans un de ses ouvrages : « A cet égard, nous ferons tout d’abord
remarquer que, parmi les conditions de l’initiation…le rattachement à une
organisation traditionnelle régulière suffit pour une initiation virtuelle,
tandis que le travail intérieur qui vient ensuite concerne proprement
l’initiation effective, qui est en somme, à tous ses degrés, le développement
« en acte » des possibilités auxquelles l’initiation virtuelle donne
accès. Cette initiation virtuelle est donc l’initiation entendue au sens le
plus strict de ce mot, c’est-à-dire comme une « entrée » ou un
« commencement » ; bien entendu, cela ne veut nullement dire
qu’elle puisse être regardée comme quelque chose qui se suffit à soi-même, mais
seulement le point de départ nécessaire de tout le reste ; quand on est
entré dans une voie, encore faut-il s’efforcer de la suivre, et même, si on le
peut, de la suivre jusqu’au bout…mais malheureusement, en fait, beaucoup
restent sur le seuil, non pas toujours parce qu’eux-mêmes sont incapables
d’aller plus loin, mais aussi surtout dans les conditions actuelles du monde
occidental, par suite de la dégénérescence de certaines organisations qui,
devenues uniquement « spéculatives »…ne peuvent par-là les aider en
aucune façon pour le travail opératif nécessaire à une réalisation effective.
D’autre part, il est important de
souligner que l’initiation est essentiellement une transmission, c’est à
dire, une transmission d’une influence spirituelle et d’un enseignement
traditionnel. Quant à la distinction des rites initiatiques et des rites
exotériques, c’est que les premiers ne concernent qu’une élite possédant des
qualifications particulières, tandis que les seconds sont publics et s’adressent
à tous les membres d’une communauté. Si les rites religieux proposent d’assurer
le « salut », les rites initiatiques ont en vue la
« délivrance »
Enfin, l’initiation, à quelque
degré que ce soit, représente pour l’être qui l’a reçue une acquisition
permanente, un état que, virtuellement ou effectivement, il a atteint une fois
pour toutes et que rien désormais ne saurait lui enlever. ( Il s’agit des
degrés d’initiation et non des fonctions qui peuvent n’être conférées que
temporairement à un « Moqadem » et qui peut devenir inapte par suite
à les exercer pour de multiples raisons )
D’autre part, Il en est des rites
initiatiques comme des rites religieux. C’est-à-dire que certains ont ce
caractère définitif et qui ne nécessitent pas de renouvellement. Une dernière
précision, c’est que la qualité initiatique, une fois qu’elle a été reçue,
n’est nullement attachée au fait d’être membre actif de telle ou telle
organisation ; dès lors que le rattachement à une organisation traditionnelle
a été effectué, il ne peut-être rompu par quoi que ce soit, et il subsiste
alors même que l’individu n’a plus avec cette organisation aucune relation
apparente. Car, en effet, quand il s’agit d’une organisation profane, on peut
en sortir comme on y est entré, et on se retrouve alors purement et simplement
ce qu’on était auparavant. « Au contraire, dès lors qu’on a été admis dans
une organisation initiatique, quelle qu’elle soit, on ne peut jamais, par aucun
moyen, cesser d’y être attaché, puisque l’initiation consiste essentiellement
dans la transmission d’une influence spirituelle(barakah), et qu’elle
est nécessairement conférée une fois pour toutes et possède un caractère
proprement ineffaçable » Ensuite qu’il faut considérer la question des
qualifications initiatiques qui font partie des conditions de l’initiation. La
qualification, par définition même n’est pas quelque chose de commun à tout un
chacun, mais caractérise proprement ceux-là seuls qui appartiennent,
virtuellement tout au moins, à l’ « élite » en vertu de
disposition naturelle. L’Emir Abdelkader parlera de
« prédispositions » comme nous le verrons dans les commentaires des
versets suivants du chapitre 18, verset 66 : « Puis-je te suivre
afin que tu m’enseignes ce que tu as appris par guidance » dit Moïse à
ce mystérieux personnage qui s’avérera s’appeler Khidr.
Tout d’abord, il est important de
savoir que le disciple ne peut tirer profit de l’enseignement et des états du
maître que s’il se conforme totalement à ses directives et en observant ses
prescriptions et ses proscriptions. Il doit en outre avoir cette conviction que
son maître est excellent et parfait. Ces conditions sont nécessaires et ne
peuvent souffrir d’aucune restriction. Certaines personnes, par exemple,
pensent que pour atteindre leur réalisation il leur suffit de croire,
seulement, que leur maître est parfait tout en négligeant de mettre en
exécution ses directives. Cela est une erreur. Considérons le cas de Moïse avec
sa stature et méditons un moment sur le fait qu’il n’a pas hésité à rencontrer
Khidr, à demander par quel moyen la rencontre pouvait se faire et à endurer
l’épreuve de la fatigue comme il est rapporté : « Nous avons
enduré beaucoup de fatigue au cours de ce voyage » chap. 18 v. 62 Mais avec tout cela, comme il n’a pas pu
observer une seule directive qui est « Ne m’interroge sur rien jusqu’à
ce que je t’informe » chap. 18 v. 70 il n’a pas pu tirer bénéfice de
l’enseignement de Khidr alors que Moïse savait pertinemment que Khidr était
plus savant que lui et cela par information divine. En effet, lorsque Moïse,
généralisant et sans préciser de quel type de science, et ignorant que ses
prédispositions refuseraient le type de science de Khidr a dit : « Je
ne connais personne plus savant que moi » Dieu lui a dit : « Notre
serviteur Khidr est plus savant ! » Khidr, dès la rencontre, a saisi
que Moise n’avait pas les prédispositions pour recevoir la science et c’est la
raison pour laquelle il lui a dit : « Tu ne sauras te montrer
patient en ma compagnie » chap. 18 v. 67 Et cela faisait partie de la science de
Khidr.
Que l’on constate, maintenant, comment
vont se comporter ces deux hommes spirituels et leur comportement éthique l’un
vis-à-vis de l’autre.
Moïse formulant une demande de
permission dit : « Puis-je te suivre pour que tu
m’enseignes ce qui t’a été communiqué par guidance ? » chap. 18
v. 66
Khidr réplique : « Mais si
tu me suis, ne m’interroge sur rien aussi longtemps que je ne t’en ferai pas
mention » chap. 18 v. 70 Khidr
ne s’est pas limité à dire « ne m’interroge sur rien » puis s’est tu.
Cela aurait engendré une situation de perplexité chez Moïse. Mais Khidr lui
fait promesse de l’informer au sujet de la sagesse de ses actes. Il est
rapporté que Khidr avait préparé un millier de faits à l’exemple de ceux qu’a
vécu Moïse en sa compagnie. Mais Moïse n’a pas su patienter. Ce qui a fait dire
à notre Prophète – Grâces et Salutations unitives sur lui – Nous aurions
souhaité que Moïse ait eu cette patience afin que Notre Seigneur Nous informe
sur leur histoire.
A la troisième épreuve, Moïse
s’est bien rendu compte qu’il en était incapable de pouvoir supporter la
science de Khidr, aussi il en demanda la séparation par son questionnement
comme il est rapporté dans la Tradition prophétique : le premier
questionnement de Moïse a été fait par oubli « nisyânan », le
second conditionnel « shartan » et le troisième délibéré
« ‘amdan » Et lors de la séparation et après avoir donné les raisons
des faits : « Je vais t’informer de l’herméneutique de ce que tu
n’as pu endurer avec patience » Chap. 18 v. 79
Nous avons privilégié ce terme à
d’autres car il semble mieux rendre le sens du verset. En effet, le mot
« herméneutique » à pour acception l’interprétation des phénomènes
considérés comme signes.
Après l’avoir informé des raisons de
son comportement, Khidr dit à Moïse : « Dieu t’a décerné une science
qu’il ne convient pas que je sache et à moi Il m’a donné une science qu’il ne
convient pas que tu saches » Khidr voulait dire par-là que Dieu a donné à
Moïse la science de la Mission, l’observation des causes lors des événements,
la science législative avec ses statuts, la confirmation de ce qui est conforme
à la Loi et l’infirmation de ce qui contraire. La politique à observer avec les
membres de sa communauté tout en tenant compte de leur degré de compréhension.
Tout cela est en rapport avec les faits apparents, autrement dit l’aspect
exotérique des choses. Khidr dit que ce genre de science ne lui est d’aucune utilité
car elle concerne l’aspect extérieur de la manifestation, pour lui, ce qu’il
lui a été recommandé c’est de considérer l’aspect intérieur de cette
manifestation et ses causes cachées, en d’autres termes, la dimension
ésotérique.
Cette divergence entre les deux
personnages ne porte seulement que sur les sciences concernant les aspects de
la manifestation et non pas sur la connaissance de l’Essence divine et de Ses
Attributs. Car concernant ces derniers, ils ont, tous deux, le même degré de connaissance
et de perfection comme il convient à la station de la prophétie et à la station
de la haute sainteté qui est celle de la Proximité. Or cette dernière est
octroyée dans la hiérarchie des saints aux « afrad » solitaires.
Khidr faisait parti d’eux et n’est pas considéré comme prophète.
La leçon a tiré de cet épisode est que le degré
de perfection du maître n’est d’aucun profit au disciple si ce dernier ne se
conforme pas à ce que le maître recommande de faire ou de ne pas faire.
Maintenant pour celui qui se conforme aux directives, la perfection du maître
est non seulement utile mais nécessaire à la réalisation du disciple.
Toutefois, le maître ne donne au disciple que ce que lui permettent ses
prédispositions inhérentes à ce qu’il est et à ses actes. Il est à l’image du
médecin fameux qui prescrit au malade des remèdes et dont ce dernier ne se
soucie pas de les prendre. Quel est l’utilité de recourir à un médecin
fameux si on ne se conforme pas à ce qu’il a prescrit ? Mais le fait
de ne pas se conformer est le signe que Dieu ne veut pas que le patient
guérisse de sa maladie car lorsque Dieu veut quelque chose il en facilite la
réalisation. Cependant ce qui est nécessaire, pour l’aspirant c’est de
rechercher le plus parfait et le plus complet des maîtres de façon à ne pas
tomber entre les mains de pseudo-maîtres qui seront l’objet de son malheur.
D’autre part, l’émir Abdelkader,
en ses Haltes, tire une correspondance intéressante au sujet de Moïse et des
événements qu’il a vécus avec Khidr. Il dit que : le fait que Khidr a
endommagé l’embarcation est à rapprocher avec l’épisode de la mise à l’eau de
Moïse dans son berceau au fil du Nil puisque dans les deux cas il s’agit, en
apparence, de la mise en péril de personnes. Quant au meurtre de l’adolescent,
il est à rapprocher avec le meurtre de l’Egyptien. Et enfin, la consolidation
du mur sans contrepartie est à rapprocher avec le fait que Moïse, lors de sa
fuite d’Egypte, arrivant à un point d’eau, a rempli les jarres des filles de
Jethro sans demander de contrepartie.
Par suite, Khidr dit à
Moïse : « Je n’ai pas agi de mon propre gré » v. 82
Commentant ce verset l’Emir dit dans la Halte 229 ce qui suit : Sache que
la manifestation se répartit entre le monde du commandement et celui de la
création. Tout élément, aussi infime soit-il, est déterminé et régi par le
monde du commandement. La causalité du monde du commandement est le monde
créaturel. Or le monde du commandement découle du monde de l’ordre total.
Ibn
Arabi dit :
« Tout l’honneur est aux corps en
tant que matrice des esprits
Et cela est
suffisant comme privilège
Une partie est
considérée par son tout.
Aussi, comment la partie peut-être
estimée si le tout est déprécié ? »
Et il pose la question
suivante : « Est-ce la forme qui est la cause de l’esprit immortel
ou bien est-ce l’inverse ?
Dieu Très-Haut, nous dit à propos de la
création de Jésus – Paix et Salutations divines sur lui - : « Nous
avons insufflé, en elle, de notre esprit » chap. 21 v.91 Il s’agit de
la forme de Jésus. ( fîha fait allusion à « as-sura » ) De même, Dieu
dit à propos d’Adam – Paix et Salutations divines sur lui - : «
Lorsque je l’aurai façonné et que j’aurai insufflé en lui de mon esprit » chap.
15 v. 29 ( Le corps n’est autre que la forme) Même si la préposition arabe
« wa » ne signifie pas l’ordonnancement et que cela peut laisser à
supposer que la création de la forme ou le façonnement est antérieur à
l’insufflement de l’esprit. Pour l’Emir, la création et l’insufflement sont
tous deux concomitants de sorte qu’aucun ne peut-être dissocier de l’autre.
Cette question a d’ailleurs fait l’objet d’un chapitre dans un des ouvrages du
Cheikh Abdelwahid ( René Guénon ) à propos de l’esprit : Est-il dans le
corps ou inversement ? Ainsi que dans ses études sur l’hindouisme, à
propos de Purusha ( l’Esprit ) et Prakriti ( la Substance ) A ce sujet, encore,
nous ne pouvons que relever la similitude des points de vue doctrinaux de
l’hindouisme avec l’Islâm.
Même si, dans une Tradition prophétique
rapportée, il est fait mention des différents stades du développement de l’être
humain, à savoir, ovule fécondé, fœtus, embryon et insufflement de l’esprit, ce
que l’on doit comprendre c’est ce que génère l’esprit sur une forme primaire ou
sophistiquée. C’est à dire en tant que sensations, mouvements et sustentation.
Au premier stade de la genèse de l’être
humain, l’esprit est minéral. Aussi, il a un comportement identique à l’esprit
minéral qui consiste à maintenir les éléments et les parties entre elles pour
une cohésion du corps solide. A ce stade, on n’observe pas d’autres forces que
celles-ci. Puis lorsque le corps commence sa croissance en se sustentant,
l’esprit est dit végétatif au même titre que les plantes dans leur phase de
développement et de sustentation. Ensuite, lorsque apparaissent les sensations
et le mouvement, l’esprit de cette forme est appelé animal comparable à
l’esprit animal qui sent, se meut et est frappé par l’imagination. Enfin,
lorsque se manifestent les facultés propres à l’homme et qui sont la pensée, le
raisonnement et autres facultés de discernement, l’esprit est dit humanoïde.
C’est ainsi que les différentes
appellations de l’esprit sont en fonction des facultés manifestées, en plus ou
en moins, dans la typologie des créatures. Car l’esprit est un, en lui-même, et
ne se dissocie pas, ne se décompose pas, ne se divise pas alors que ses
attributs sont multiples. La différente manifestation de l’esprit dans un corps
est en fonction de ses prédispositions.
Une forme sans esprit ne peut-être
et inversement et cela dans un corps élémentaire, brut, imaginaire ou
spirituel.
Al-Hakim Al Tirmidy, un maître du III siècle de l’Hégire, à propos des
corps, dit que : « l’esprit ou la forme corporelle est l’expression
de l’essence de la hylée et de l’essence de la forme et l’une ne peut exister
sans l’autre »
L’esprit ne peut jamais avoir une réalité
sans la forme, ni en ce monde, ni dans le mésocosme ( barzakh ) ni dans
l’au-delà. S’il n’avait pas ce composé qui le détermine, il n’aurai pas eu
d’existence propre.
Maintenant la Volonté divine dans
le monde des corps, qui est la manifestation de l’Ordre divin, n’est autre que
l’expression de Son Ordre divin Total particularisé dans la gestion de toute
chose. Le monde du commandement, englobant le Tout, est un. Dieu nous
dit : « A lui revient l’ensemble du Commandement » chap.
11 v. 123 et ailleurs : « Notre Commandement est un »
chap.54 v. 50 Le monde des formes est un
corps unique englobant l’ensemble des formes et régi par le monde du
commandement et l’ensemble ou le tout est sous l’ordonnancement et
l’assujettissement de Dieu. Ce Dernier nous dit : « A Lui la
création et l’ordre » chap. 7 v. 54 et encore « Il ordonnance
le Commandement » chap. 10 v. 3
Tout actant, dans le monde des
créatures, agit en fonction de ce qui est en accord avec ses prédispositions
suite au commandement du monde de l’ordre. Ces actes aussi peuvent correspondre
à des actes d’obéissance ou de désobéissance, bons ou mauvais. Si, par contre,
l’actant agit en fonction du Commandement Total globalisant l’ensemble des
ordres cela ne peut-être que vérité et obéissance mais cela n’arrive qu’à un
prophète ou un héritier. C’est pour cela que Khidr répliqua à Moïse en
disant : « Je ne l’ai pas fait de mon propre gré » v. 82
Comme Moïse savait que ce qui
relevait du Commandement total ne pouvant être une erreur il a admis les
explications de Khidr et s’est résigné !
Ici, il est intéressant de rapporter
la remarque de cheikh Abdelwahid à propos de mot « amr »ou
commandement : « Le verbe « amar » qui est employé dans le
texte biblique, et qu’on traduit habituellement par « dire » a en
réalité pour sens principal, en hébreu comme en arabe, celui de
« commander » ou « d’ordonner » La parole divine est
l’ ordre (amr) par lequel est effectuée la création, c’est à dire la
production de la manifestation universelle, soit dans son ensemble, soit dans
l’une quelconque de ses modalités. Selon la Tradition islamique également, la
première création est celle de la Lumière ( an-noûr) qui est dite « min
amri L-lâh » c’est à dire procédant immédiatement de l’ordre ou du
commandement divin : et cette création se situe, si l’on peut dire, dans
« le monde », c’est-à-dire l’état ou le degré d’existence, qui, pour
cette raison, est désigné comme « âlamul-amr » et qui constitue à
proprement parler le monde spirituel pur. En effet, la Lumière intelligible est
l’essence (dhât) de l’esprit « ar-rûh » et celui-ci, lorsqu’il est
envisagé au sens universel, s’identifie à la Lumière elle-même ; c’est pourquoi
les expressions « en-nûr al-muhammadi et er-rûh al-mhammadi « sont
équivalentes, l’une et l’autre désignant la forme principielle et totale
de l’ homme universel qui est « awwalu khalqi
L-lah » le premier de la création divine. C’est là le véritable
« Cœur du Monde », dont l’expansion produit la manifestation
de tous les êtres, tandis que sa contraction les ramène finalement à leur
Principe ; et ainsi il est à la fois « le premier et le
dernier » (al-awwal wal-akhir) par rapport à la création, comme Allah
lui-même est « Le Premier et le Dernier au sens absolu »
« Cœur
des cœurs et Esprit des esprits » (qalb-ul-qulûbi wa Rûh-ul-arwâh) c’est
en son sein ( c’est-à-dire dans la forme principielle et totale) que se
différencie les « esprits » ( c’est-à-dire les corps subtils ou
grossiers)
Par suite, dans les versets 100 et 101
du chapitre 18, on a un exposé de ce qu’on doit comprendre par
« kufr » état du mécréant et la véritable doctrine concernant le
credo.
« Ce jour-là, Nous présenterons
la géhenne pour les mécréants ceux dont les yeux étaient dans un voile à Mon
souvenir et qui étaient incapables de prêter l’oreille » Chap. 18 v.
100-101
L’Emir, interprétant ce verset, dit
que la géhenne est pour chacun à la mesure de son état et de sa station.
Géhenne signifie selon l’étymologie « éloignement » Pour certains, la
géhenne consistera dans le fait d’être privé de la vision divine ; pour
d’autres elle comportera, outre cette privation, le châtiment.
Pour ce qui concerne le terme mécréant
ou « kâfirin » ce terme dérivant du verbe « kafara »
étymologiquement parlant à pour signification « voiler, occulter, cacher,
semer » grammaticalement c’est un verbe trilitère simple et son nom
d’agent de forme « kâfirun » a pour sens celui qui voile l’évidence par sa pensée, ses paroles
ou ses actes. Or cet état peut-être soit une négation manifeste à
l’encontre de tout ce qui révélation divine transmise par les envoyés ou
négation subtile chez ceux-là mêmes qui
acceptent la révélation. La subtile négation consiste à occulter l’Etre
Nécessaire de qui toute chose, sublime ou infime tire sa réalité et en
attribuant à ces choses contingentes une réalité et un être distinct de l’Etre
Nécessaire.
D’autre part, celui qui voile est
voilé. Son cœur et ses yeux sont voilés. Dans le verset « Ceux dont les yeux
étaient dans un voile à Mon souvenir et qui étaient incapables de prêter
l’oreille » fait allusion à ceux qui ne voient pas leur Seigneur et ne
se souviennent pas de Sa Présence dans les choses créées. C’est à dire ceux qui
sont incapables de se souvenir de leur Seigneur lors de leur observation des
choses créées comme cela a été rapporté au sujet des trois premiers
califes.
En
effet, sayyidinâ Abu Bakr a dit :
« Je n’ai jamais vu une chose sans avoir vu Dieu avant la chose » ; Sayyidinâ Omar
a dit: « Je n’ai jamais vu une chose sans avoir vu Dieu avec la
chose » et sayyidinâ Othman a dit : « Je n’ai jamais vu
une chose sans voir Dieu après la chose »
Dans cette forme subtile de
« kufr », dont le Prophète – Grâces et Salutations divines sur lui –
nous a mis en garde, les croyants non-réalisés spirituellement sont incapables
de voir Dieu dans les formes où Il se manifeste et les déterminations particulières
qu’Il s’assigne. L’Emir dans la Halte n° 193, dit que : « C’est
en raison de leur attachement exclusif à la transcendance « tanzih » telle que la conçoivent
leurs entendements, sans que cette transcendance soit chez eux tempérée par
l’immanence « tashbih » dont elle est inséparable dans la Loi sacrée.
Ils n’ont pas su que Dieu est infiniment transcendant au-dessus de toute union, fusion ou immanence
avec la créature, dans le moment même où Il se manifeste dans les formes sous
le rapport de Son nom l’Apparent et est donc perceptible par tous les sens
internes ou externes » Comme cela s’est produit pour Moïse lorsqu’il
entendit l’Appel venant du buisson et su que c’était la Parole de Dieu.
C’est pourquoi notre Seigneur
a recommandé à Son envoyé de prodiguer les meilleurs conseils à sa communauté
et de donner à ceux qui cherchent à connaître leur Créateur, une connaissance
exempte de perplexité, de doute ou de passion. A savoir une connaissance seule
issue de leur Seigneur et de nul autre que Lui. Dieu dit : « Dis
que la guidance est celle de Dieu » chap. 3, v. 73. On sait qu’il
existe deux types de guidance : Spirituelle ou rationnelle, directe ou
indirecte comme il existe deux types de science, infuse « mawhoub »
ou livresque « maksoub »
La première guidance, directe ou
spirituelle, d’ordre divin est celle qui permet de cheminer sans égarement ni
déviation. Elle consiste à ce que les prophètes nous ont enseigné en tant que
prescriptions, proscriptions et doctrine agréées ou non par la raison. A partir
de là, si le croyant agit conformément à ces fondements, Dieu lui octroiera une
science qui lui permettra de comprendre l’acception de ce qui, au départ,
n’était qu’une simple observation sans grande signification. Dieu ne nous dit-Il
pas « Préservez-vous de votre Seigneur et Il vous enseignera » chap.
2 v. 282 et ailleurs, dans le chap. 18, v 65. « Nous lui avons fait
miséricorde et appris une science de Notre part » La personne visée
dans ce verset n’est autre que ce compagnon de Moïse qu’est Khidr. Or ce type
de science ne peut-être acquis que par voie de dévoilement et théophanie. Mais
pour ce qui concerne la connaissance de notre Seigneur qui est la plus haute
des connaissances, cette dernière ne peut-être acquise que par voie de
révélation, d’où l’intérêt de l’enseignement des prophètes. Nous y reviendrons.
Quant à la seconde, l’indirecte
ou rationnelle, elle est d’ordre créaturel. Elle peut-être entachée d’erreurs
ou de fourvoiement. Elle peut-être tronquée, déviée et donc être dangereuse.
C’est ainsi que l’opération rationnelle,
naturellement limitée, dans sa tentative de définir le Seigneur, affirmera la
transcendance dépouillée de toute contingence et dira qu’Il n’est pas ceci ni
cela. Or, en matière de foi, ce n’est pas cela qui est exigé de nous. Ce qui
nous a été recommandé d’affirmer c’est ce dont les prophètes nous ont enseigné.
C’est à dire transcender notre Seigneur de notre connaissance rationnelle. Car
notre Seigneur est l’Absolu et échappe à tout jugement, toute définition, toute
spéculation, toute représentation, toute comparaison. Ce que la raison estime
comme transcendance même n’est en fait que conjoncture. D’ailleurs, dans la
transcendance rationnelle, le dépouillement a engendré chez ceux qui ont
emprunté cette voie une grande ignorance et n’a fait que les éloigner de la
connaissance de leur Seigneur et de Ses manifestations théophaniques en ce
monde et de même ils le sauront dans l’au-delà. Ceci dit, le recours à la
transcendance est nécessaire quand il s’agit de controverser avec un idolâtre
ou un partisan de l’immanence, mais en dehors de cela, c’est une attitude de
non-convenance consommée vis-à-vis de notre Seigneur. En effet, Lui-même s’est
déjà transcendé, il faut donc se méfier de tout excès et d’ailleurs le fait
même d’y penser relève de l’inconvenance. Il ne convient de transcender que ce
que lui-même à transcender. Et d’ailleurs si notre Seigneur dans Ses Livres ou
à Ses envoyés s’est transcender c’est pour réfuter ceux qui soutiennent des
conceptions inadéquates à propos de Sa divinité.
Ce que la raison comprend, concernant
les attributs divins, ne relève pas de l’ordre du contingent car ils
appartiennent tous à la transcendance et rejettent tout contraire.
La divinité qu’il nous est recommandé
d’admettre est celle révélée par ses envoyés et non celle déterminée par nos
spéculations qui elles relèvent du domaine du sensible. Le Dieu des envoyés
n’est comparable absolument à aucune chose. Il ne ressemble à aucune chose et
aucune chose ne Lui ressemble. Il est décrit comme ayant un visage, une main,
deux mains, des mains, une droite, un œil, des yeux, qu’Il rit, sourit, se met
en colère, hésite, descend, vient, accourt, s’est établi sur le Trône, qu’Il
est dans le ciel, sur terre, qu’Il est avec nous où que nous soyons etc. S’Il
est décrit par ces attributs c’est que les Arabes à qui s’adressent ce discours
connaissent bien cela. Il ne convient pas de dire que les Arabes ignorent ou ne
comprennent pas ce dont il s’agit. On dira donc que ces Attributs sont
compréhensibles mais inconnus.
L’authentique transcendance
c’est celle qui consiste à les lui attribuer et non à les Lui dépouiller. On
dira que notre Seigneur accourt, vient, descend mais sans tentative
d’interprétation ni anthropomorphisme comme l’a dit l’imâm Malik quand on l’on
a interrogé sur le comment de l’établissement sur le Trône, il répondit
l’établissement est connu mais le comment est inconnu.
En conséquence, tout ce qui est
rapporté en guise d’immanence dans le Coran ou la Tradition relève du degré de
Sa Manifestation et détermination dans les apparences en fonction de Son Nom
l’Apparent et tout ce qui est rapporté en guise de transcendance relève du
degré de Son dépouillement des apparences en vertu de Son Nom le Caché.
Les versets du début du
chapitre 18 illustrent ce qui vient d’être souligné concernant la connaissance
rationnelle et ses imperfections. Dit nous dit : verset 9 «
Estimes-tu vraiment que les gens de la caverne et d’ar-raqîm constituent, entre
tous Nos Signes, un prodige étonnant ? Jusqu’au verset 18 : Si
tu les avais aperçus, tu te serais détourné d’eux, et le cœur empli de
crainte, tu aurais pris la fuite »
En effet, l’aventure de ces jeunes gens,
rapportée par les communautés qui nous ont précédés, constituent un fait extraordinaire et un prodige et a fait
croire à ceux qui se sont laissés séduire par cet événement que ces jeunes gens
occupaient une place enviée auprès de Dieu. C’est alors que Dieu révéla à son
Messager l’histoire de ces jeunes gens. Le verset « Estimes-tu vraiment
que… » l’Emir Abdelkader commentant ce verset, nous dit que cette
interrogation a une valeur négative et a pour signification : Ne considère
pas la chose comme ils le font et ne t’étonne pas de leur émerveillement. Ils
croient que dans les prodiges et autres signes extraordinaires, signes de Notre
Puissance, ce sont là les faveurs les plus distingués qui soient accordées à
nos élus.
Dieu apprend à son envoyé que ces jeunes gens
avaient la foi en leur Seigneur et qu’Il leur avait accordé la guidance et une
fermeté. Par cela Il fait savoir à son Messager que leur foi est le résultat
d’une réflexion théorique car ils n’ont pas eu le privilège de la révélation
d’un prophète. Or la foi rationnelle n’est qu’égarement comparativement à la
foi basée sur une révélation. Jamais la raison ne peut transcender ses propres
limites et concevoir que Notre Seigneur s’épiphanise à travers toutes les créatures.
En effet, la raison « ‘aql » est un « ‘iqal » entrave. En
vertu de sa constitution, elle est soumise à des règles qu’elle ne saurait
dépasser. Or la noblesse de la raison consiste à accepter ce qui fut révélé aux
prophètes et c’est sous ce seul rapport – qui est le dépassement du mental –
que la raison s’affranchit de ses limites.
Dans la suite des versets, on lit « Si
tu les avais aperçus, tu te serais détourné d’eux et le cœur empli de crainte,
tu aurais pris la fuite » Lorsqu’un prophète est confronté à ce qui
contredit la révélation, il s’en détourne, se fâche et s’écarte. Tel fut le cas
de Moïse lors de sa rencontre avec Khidr. Dieu avait au préalable informé Moïse
de ce que Al Khidr détenait une science supérieure à la sienne et il était certain
du bien fondé des actes de Khidr. Pourtant, il ne put se résoudre à s’en
séparer qui est une fuite proprement dite. Khidr avait informé Moïse qu’il ne
pouvait patienter. Moïse n’ayant pas su patienter pris nécessairement ses distances.
Dieu fait savoir à Son Messager, dans les gens
de la caverne, quel était l’état spirituel de ces derniers. S’il avait été
donné au prophète – Grâces et Salutation sur lui – la conception rationnelle
qu’avaient les jeunes gens au sujet de leur Seigneur, il se serait écarté
d’eux, le cœur rempli de crainte. Ce qui signifie que malgré le prodige dont
ces jeunes gens avaient été l’objet, ils n’avaient pas atteint le terme de la
voie. Là, il y a la preuve manifeste que les prodiges n’indiquent en rien ni la
perfection ni la rectitude ni la proximité d’avec Dieu. Les charismes ne sont
pas l’exclusivité de ceux qui font l’objet de la Sollicitude divine.C’est donc
en raison de l’imperfection de leur foi que le prophète aurait pris la fuite.
La fuite du prophète n’est pas due comme le rapporte certains exégètes à leur
apparence effrayante. Car quiconque a fait l’objet de dévoilement est apte à la
contemplation dès lors de toutes sortes de créatures extraordinaires. Le
prophète – Salutations et Grâces divines sur lui – a vu le plus grand des
signes lors de son Ascension nocturne comme sans que cela ne lui ait causé la
moindre crainte ou fuite !
Par ces quelques commentaires et
remarques, empruntées aux grands maîtres de la spiritualité, nous avons la
preuve et la confirmation du fondement de la spiritualité en Islâm, qu’elle nécessite une initiation, un
cheminement assidu et qu’elle en est le cœur même de l’Islâm.
M.J. Chérifi |
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